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LE TEMPS DU CHANGEMENT

laquelle, après avoir propagé l’impulsion, éclate au dehors sous forme de mouvement. — Aristote, de cette infinie divisibilité du temps, conclut très justement que tout ce qui le remplit, conséquemment aussi tout changement, c’est-à-dire tout passage d’un état à un autre, doit également être infiniment divisible ; que tout ce qui se produit doit donc se composer de parties en nombre infini, et par suite s’effectuer toujours successivement et jamais subitement. De ces principes, d’où découle la production graduelle de tout mouvement, Aristote tire encore, dans le dernier chapitre de ce VIe livre, cette importante conclusion que rien d’indivisible, par conséquent aucun simple point, ne peut se mouvoir. Ceci s’accorde au mieux avec l’explication de la matière par Kant, quand il dit qu’elle est « ce qui est mobile dans l’espace ».

Cette loi de la continuité et de la production graduelle de tous les changements, qu’Aristote a formulée et démontrée le premier, a été exposée par Kant à trois reprises : à savoir dans sa Dissertatio de mundi sensibilis et intelligibilis forma, § 14 ; dans la Critique de la raison pure, 1re éd. (allem.), page 207 ; enfin dans ses Éléments métaphysiques de la science de la nature, à la fin de son « Observation générale sur la mécanique. » Dans les trois passages, son exposé de la question est court, mais aussi moins profond que celui d’Aristote, avec lequel du reste il s’accorde entièrement sur les points essentiels ; aussi ne peut-on guère douter que Kant ne tienne ces vues, directement ou indirectement, d’Aristote, bien qu’il ne le nomme nulle part. La proposition d’Aristote : « Il n’existe pas de continuité des instants »