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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

personne n’a rien pu objecter de grave, et que par suite les démonstrations de l’existence de Dieu sont hors d’usage et ont perdu toute autorité. Il est arrivé même que, depuis lors, les professeurs de philosophie prennent à leur égard des airs de hauteur et manifestent pour elles un mépris bien prononcé, donnant ainsi à entendre que l’affaire se comprend tout bonnement de soi-même et qu’il est ridicule de vouloir encore la prouver. Tiens, tiens, tiens ! quel malheur qu’on n’ait pas su cela plus tôt. On ne se serait pas, pendant des siècles, donné tant de peine pour établir ces démonstrations, et Kant n’aurait pas eu besoin d’écraser celles-ci de tout le poids de sa Critique de la raison. En voyant le mépris que nous mentionnions tout à l’heure, il y aura bien des gens à qui cela rappellera le renard aux raisins trop verts. Pour qui voudrait voir un échantillon de ces façons dédaigneuses, je lui en recommande un bien caractérisé, dans les Œuvres philosophiques de Schelling vol. Ier, éd. 1809, p. 152. — Pendant que quelques autres entre eux se consolaient par ce qu’avait dit Kant, que le contraire était tout aussi impossible à démontrer, — comme si le vieux finaud avait ignoré la maxime : Affirmanti incumbit probatio, — voilà que soudain, comme pour sauver de leur détresse les professeurs de philosophie, apparaît la merveilleuse invention de Jacobi, qui mettait à la disposition des savants allemands de ce siècle une raison tout à singulière, dont personne jusqu’à ce jour n’avait rien entendu ni rien connu.

Et pourtant toutes ces finesses étaient bien superflues.