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LA RAISON

Car, par l’impossibilité de la démonstration, l’existence de Dieu n’était en aucune façon attaquée, vu qu’elle est inébranlablement établie sur un terrain bien plus sûr. En effet, n’est-ce pas là une affaire de révélation, et l’on peut d’autant moins le contester que cette révélation a été faite exclusivement à un seul peuple, qui pour ce motif a été appelé le peuple élu. Ce qui le prouve, c’est que la connaissance de Dieu, créateur et souverain personnel du monde, qui a tout bien fait, ne se trouve que dans la religion juive et dans les deux religions qui en dérivent et que, dans un sens plus large, on pourrait appeler ses sectes ; on ne retrouve cette connaissance dans la religion d’aucun autre peuple, soit de l’antiquité, soit des temps modernes. Car il ne viendra certainement à l’esprit de personne de confondre le Seigneur Dieu avec le Brahm des Hindous, qui vit et souffre en moi, en toi, dans mon cheval, dans ton chien, — ni avec le Brahma, qui est né et qui meurt pour faire place à d’autres Brahmas et auquel en outre on reproche, comme une faute et comme un péché, d’avoir produit le monde[1], — bien moins encore avec le fils voluptueux de Saturne l’abusé, avec ce Jupiter que Prométhée brave et auquel il prédit sa chute. Mais surtout si nous tournons nos regards vers le bouddhisme,

  1. If Brimha be unceasingly employed in the creatin of worlds,… how can tranquillity be obtained by inferior order of beings ? (Si Brahma est incessamment occupé à créer des mondes,… comment des êtres d’une nature inférieure pourraient-ils obtenir leur tranquillité ?) Prabodh, Chandro Daya, tr. by J. Taylor, p. 23. Brahma fait aussi partie du Trimurti, qui est la personnification de la nature, comme procréation, conversation et mort : c'est la première qu’il représente. (Note de Schop.)