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IMPORTANCE DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE

qu’aucun malentendu, aucune équivoque, découverts par la suite, ne pourront plus venir nous arracher. En général, le véritable philosophe s’efforcera sans cesse d’être clair et précis ; il cherchera toujours à ressembler non pas à un torrent qui descend des montagnes, trouble et impétueux, mais plutôt à un de ces lacs de la Suisse, très profonds, auxquels leur calme donne une grande limpidité et dont la profondeur est rendue visible par cette limpidité. « La clarté est la bonne foi des philosophes, » a dit Vauvenargues. Le faux philosophe, au contraire, ne cherche pas, selon la maxime de Talleyrand, à employer les mots pour dissimuler ses pensées, mais bien pour couvrir le manque de pensées : il rend responsable l’intelligence du lecteur, quand celui-ci ne comprend pas des philosophèmes dont l’incompréhensibilité ne provient que de l’obscurité des propres pensées de l’auteur. Ceci explique pourquoi certains ouvrages, ceux de Schelling par exemple, passent si souvent du ton de l’enseignement à celui de l’invective : on y tance par anticipation le lecteur pour son ineptie.

§4. — Importance du principe de la raison suffisante.

Cette importance est immense ; on peut dire que ce principe est la base de toute science. Car on entend par science un système de connaissances, c’est-à-dire un ensemble composé de connaissances qui s’enchaînent les unes aux autres, par opposition à un simple agrégat. Mais qu’est ce qui relie entre eux les membres d’un système, si ce n’est le principe de la raison suffisante ? Ce qui distingue