Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
PARERGA ET PARALIPOLENA

rieurs. Ces images seules sont ce que nous connaissons immédiatement, ce qui est donné. Quel rapport peut-il y avoir entre ces images et des objets qui existeraient entièrement séparés et indépendants de nous, et qui seraient, en un mode quelconque, la cause de ces images ? Avons-nous la certitude que de pareils objets existent réellement ? Et, dans ce cas, leurs images nous éclairent-elles sur leur constitution ? — Voilà le problème, et depuis qu’il a été posé, depuis deux cents ans, la tâche principale des philosophes est de distinguer nettement, par un plan de sépation bien orienté, l’idéal du réel, c’est-à-dire ce qui appartient uniquement à notre connaissance comme telle, de ce qui existe indépendamment d’elle, et d’établir ainsi d’une façon stable leur rapport mutuel.

Les philosophes de l’antiquité, pas plus que les scolastiques, ne semblent vraiment pas être arrivés à la conscience distincte de ce problème fondamental de la philosophie ; cependant on en trouve une trace, sous forme d’idéalisme, et même à l’état de doctrine sur l’idéalité du temps ; chez Plotin, et nommément dans l’Ennéas, III, livre 7, chap. 10. où il enseigne que l’âme a fait l’univers en passant de l’éternité dans le temps. Voici un des passages : « ου γαρ τις αυτου του παντος τοπος η ψυχη » (neque : datur alius hujus universi locus, quam anima) ; en voici un autre : « δει δε ουϰ εξωθεν της ψυχης λαμβανειν τον χπονον, ὡστερ ουδε τον αιωνα εϰει εξω του οντος » (oportet autem nequaquam extra animam tempus accipere, quemadmodum neque aeternitatem ibi extra id, quod ens appellatur), qui énonce déjà la doctrine de Kant sur l’idéalité du temps. Voici enfin