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LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

enseigne que nous voyons toutes les choses en Dieu même. Cela s’appelle, à vrai dire, déterminer une inconnue par une plus inconnue encore. De plus, selon lui, non seulement nous voyons toutes les choses en Dieu ; mais celui-ci est également le seul principe agissant en elles ; de sorte que les causes physiques n’agissent qu’en apparence, ne sont que des causes occasionnelles. (Recherche de la vérité, liv. VI, 2e partie, ch. 3.) Nous voilà donc, dans son essence, au panthéisme de Spinoza qui semble avoir plus appris de Malebranche que de Descartes.

En général, on peut s’étonner de ne pas voir le panthéisme l’emporter complètement sur le théisme dès le xviie siècle, vu que les démonstrations les plus originales, les plus belles et les plus fondamentales qui en aient été données en Europe (car tout cela est insignifiant mis en parallèle avec les Oupanischads des Védas) ont toutes paru à cette époque, et nommément celles de Bruno, de Malebranche, de Spinoza et de Scotus Erigena ; ce dernier, oublié et égaré pendant plusieurs siècles, avait été retrouvé à Oxford et publié pour la première fois en 1681 ; il n’a donc été répandu que quatre ans après la mort de Spinoza. Cela semble prouver que les conceptions de quelques hommes isolés ne peuvent acquérir d’autorité, aussi longtemps que l’esprit de l’époque n’est pas mûr pour les accepter, de même que, comme contre-partie, le panthéisme, bien que rafraîchi seulement par Schelling à sa manière éclectique et confuse, est devenu de nos jours le sentiment dominant chez les savants et même chez les