Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

pouillée aussi de ses propriétés primaires, reste à l’état complet de quantité inconnue, un simple x. Pour en arriver là, il a fallu, à la vérité, une analyse laborieuse, approfondie et qu’il a fallu longtemps défendre contre les attaques de ceux qui comprenaient mal ou ne comprenaient pas du tout la question.

Locke ne déduit pas par le raisonnement ses propriétés primaires des choses et ne produit pas d’autre motif pourquoi ce seraient celles-ci et non d’autres qui seraient purement objectives, si ce n’est qu’elles sont indestructibles. Examinons alors nous-mêmes pourquoi il ne reconnaît pas d’existence objective à celles des propriétés des corps qui agissent directement sur la sensation, tandis qu’il reconnaît cette existence objective pour celles qui (ainsi qu’on l’a reconnu depuis) dérivent des fonctions propres de l’intellect : nous verrons que c’est parce que la conscience qui perçoit objectivement, c’est-à-dire la conscience du monde extérieur, a besoin d’un appareil compliqué dont elle est la fonction ; que par conséquent ses emplois essentiellement fondamentaux sont déjà établis de l’intérieur, et que, par là, la forme générale de la perception, ou son mode, d’où résulte uniquement toute connaissance à priori, apparaît comme le canevas fondamental du monde visible, comme l’élément absolument nécessaire, inséparable et ne souffrant pas d’exception, de sorte qu’il est à l’avance la condition de tout l’univers dans son infinie variété. On sait que cette forme est avant tout le temps et l’espace, avec tout ce qui s’ensuit et tout ce qui n’est possible que par eux. En eux-mêmes, le temps et l’espace