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PARERGA ET PARALIPOLENA

tion, sont celles sans lesquelles nous ne pouvons pas nous les représenter, savoir : l’étendue, l’impénétrabilité, la forme, le mouvement ou le repos, et le nombre. Toutes les autres sont secondaires, ce qui veut dire qu’elles résultent de l’impression produite sur les organes de nos sens par les propriétés primaires ; elles sont par conséquent de simples sensations de ces organes : telles sont la couleur, le son, le goût, l’odeur, la dureté, la mollesse, le poli, la rudesse, etc. Elles n’ont donc aucune analogie avec l’état des choses en soi qui les fait naître ; leur seul rapport avec les qualités primaires, c’est que celles-ci sont leurs causes : ces propriétés primaires restent les seules objectives et les seules existantes dans les corps (ibid., L. I, ch. 8, § 7 et suiv.). Nos représentations de ces dernières en sont par conséquent des copies fidèles, qui reproduisent exactement les propriétés attachées aux choses en soi (l. c., § 15 ; je félicite le lecteur pour la gaieté qu’à la lecture de ce burlesque passage le réalisme doit provoquer en lui). Nous voyons ainsi que Locke ne compte pas parmi les qualités constitutives des choses en soi, que nous percevons du dehors, tout ce qui est action nerveuse des organes sensoriaux ; c’est là un principe simple, clair et incontestable. Mais dans cette même voie Kant fit plus tard un pas gigantesque en avant, en déduisant encore tout ce qui est action du cerveau (cette masse nerveuse bien autrement grande) ; le résultat fut de réduire toutes les prétendues propriétés primaires au rang de secondaires, et les prétendues choses en soi à n’être plus que de simples phénomènes, de sorte que la véritable chose en soi, dé-