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PARERGA ET PARALIPOLENA

hommes faits et pour un but sérieux, ainsi en ont agi nos trois sophistes avec la question dont je traite dans cette esquisse ; leurs travaux sont la, contre-partie risible des recherches laborieuses et profondes des philosophes pendant les deux siècles précédents. Après que Kant eut poursuivi très loin, et rapproché considérablement de sa solution le grand problème du rapport entre la chose en soi et sa représentation, voici venir Fichte, qui soutient que derrière les représentations il n’y a plus rien, qu’elles sont purement des productions du sujet connaissant, du moi. En cherchant ainsi à renchérir sur Kant, il n’aboutit qu’à mettre au jour une caricature de sa philosophie ; constamment fidèle à la fameuse méthode que nous avons montrée appartenir aux trois pseudo-philosophes, il supprime entièrement le réel, ne laissant subsister que l’idéal. À sa suite vint Schelling, qui, dans son système de l’identité absolue du réel et de l’idéal, déclara nulle toute différence entre eux ; il soutient que l’idéal est en même temps le réel, qu’ils sont exactement la même chose, de sorte qu’il s’efforce de bouleverser brutalement, et de mêler tout ce que des méditations se développant insensiblement et pas à pas avaient à grand’peine séparé (Schelling, Du rapport de la philosophie naturelle à celle de Fichte). À l’imitation de l’erreur que nous reprochions à Spinoza, il nie hardiment la différence entre l’idéal et le réel. À cet effet, il va même, leur faisant une solennelle apothéose, déterrer, pour venir à son secours, les monades de Leibnitz, cette monstrueuse identification de deux absurdités, savoir les atomes, et des êtres indi-