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APPENDICE

visibles, doués essentiellement et primordialement de la connaissance et qu’on appelle des âmes (Schelling, Idées sur la philosophie naturelle). La philosophie naturelle de Schelling porte le nom de philosophie d’identité, parce que, marchant sur les traces de Spinoza, elle supprime trois distinctions que celui-ci avait déjà écartées, à savoir celle entre Dieu et le monde, celle entre le corps et l’âme, et enfin aussi celle entre l’idéal et le réel dans le monde de l’intuition. Mais cette dernière différence, ainsi que nous l’avons montré en parlant de Spinoza, ne dépend nullement des deux autres : elle en dépend si peu, que plus on a fait ressortir celle-ci, plus ces deux-là sont devenues problématiques : car ces dernières sont fondées sur des preuves dogmatiques (réfutées par Kant), tandis que l’autre se base sur un simple acte de la réflexion. Comme conséquence, Schelling a identifié aussi la métaphysique et la physique, et a donné le nom pompeux d’« âme du monde » à une simple diatribe physico-chimique. On voudrait ainsi étouffer par des négations audacieuses, par des sentences autoritaires, tous les problèmes métaphysiques qui viennent incessamment s’imposer à la conscience humaine. Tantôt on vient nous dire que la nature existe parce qu’elle existe, d’elle-même et par elle-même ; on lui confère le titre de Dieu, et avec cela tout est dit pour elle, et qui en demande davantage est un fou ; une autre fois, on prétend que la distinction entre le subjectif et l’objectif n’est qu’une frime d’école, ainsi que toute la philosophie de Kant dont la distinction entre l’à priori et l’à posteriori est de nulle valeur ; la perception empirique nous donne pleine-