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PARERGA ET PARALIPOLENA

être qu’il substitua insensiblement à ceux d’intuition ou plutôt d’objet perçu intuitivement et d’objet en soi (Neue Zeitschrift fur spekul. Physik, Ier v, Ier article : Fernere Darstellungen, etc.). Car c’est le rapport entre notre perception des choses et leur essence ainsi que leur être en soi, qui forme le grand problème dont j’esquisse ici l’histoire, et non celui de nos pensées, c’est-à-dire des concepts ; celles-ci n’étant que de simples abstractions d’une connaissance intuitive, obtenues en éliminant par la pensée certaines propriétés et en en conservant d’autres : c’est là un fait qu’aucun homme sensé ne niera[1]. Ces concepts et ces pensées, qui forment la classe des connaissances non intuitives, n’ont donc jamais un rapport immédiat avec l’essence et l’être en soi des choses ; ce rapport est toujours médiat, à savoir établi par la voie de l’intuition : c’est celle-ci qui, d’une part, leur fournit l’étoffe et qui, d’autre part, est en rapport avec la chose en soi, c’est-à-dire avec l’essence inconnue et propre des objets, s’objectivant dans l’intuition.

Cette expression impropre, prise par Schelling dans Spinoza, donna motif à Hegel, charlatan sans esprit et sans goût, qui à cette occasion s’est fait le paillasse de Schelling, de donner à la question une plus fausse tournure encore : selon lui, c’est la pensée même, proprement dite, les concepts par conséquent, qui seraient identiques avec l’essence propre des choses. ; la pensée abstraite comme telle, et directement, ne ferait qu’un avec ce qui existe en

  1. De la quadruple racine du principe de la raison, § 26.