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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

Cette courte indication des trois formes de la causalité doit suffire ici. On en trouvera l’exposé détaillé dans mon mémoire couronné sur la liberté de la volonté[1]. Je n’insisterai ici que sur un seul point. Évidemment la différence entre la cause, l’excitation et le motif n’est que la conséquence du degré de réceptivité des êtres ; plus celle-ci est grande, plus l’action peut être de faible nature : la pierre demande à être poussée ; l’homme obéit à un regard. Tous deux cependant sont mus par une raison suffisante, donc avec une égale nécessité. Car la « motivation » n’est que la causalité passant par la connaissance : c’est l’intellect qui est l’intermédiaire des motifs, parce qu’il est le degré suprême de la réceptivité. Mais la loi de la causalité ne perd pour cela absolument rien de sa certitude ni de sa rigueur. Le motif est une cause et agit avec la nécessité qu’entraînent toutes les causes. Chez la bête, dont l’intellect est simple, ne fournissant que la connaissance du présent, cette nécessité est facile à apercevoir. L’intellect de l’homme est double : à la connaissance par la perception sensible il joint encore la connaissance abstraite, qui n’est pas liée au présent ; c’est-à-dire il a la raison. C’est pourquoi il possède une détermination de choix réfléchi : ce qui veut dire qu’il peut mettre en balance et comparer des motifs qui, comme tels, s’excluent mutuellement, c’est-à-dire qu’il peut leur permettre d’essayer, leur pouvoir sur sa volonté ; après quoi, le plus énergique le détermine, et sa conduite en résulte avec la même nécessité

  1. Voy. Essai sur le libre arbitre, p. 56 et suiv. Paris, G. Baillière. 1880.