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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

opération, l’entendement, ainsi que je le montrerai bientôt plus explicitement, appelle à son secours toutes les données, même les plus petites, de la sensation donnée, pour construire dans l’espace la cause de cette sensation, en conformité de ces données. Mais ce travail de l’entendement (formellement nié du reste par Schelling, dans le premier volume de ses écrits philosophiques de 1809, et aussi par Fries, dans sa Critique de la raison, 1er  vol.), n’est pas une opération discursive, s’effectuant par réflexion, abstraitement, par l’intermédiaire de notions et de mots ; c’est une opération intuitive et tout à fait immédiate. Car c’est par elle seule, donc dans l’entendement et pour l’entendement, que le monde des corps, monde objectif, réel, qui remplit l’espace dans les trois dimensions, apparaît pour ensuite changer dans le temps selon la même loi de causalité et pour se mouvoir dans l’espace. — Dès lors, c’est l’entendement même qui doit d’abord créer le monde objectif ; ce n’est pas celui-ci qui, tout achevé, à l’avance, n’a plus qu’à entrer tout bonnement dans la tête à travers les sens et les ouvertures de leurs organes. En effet, les sens ne fournissent rien autre que la matière première, que l’entendement transforme tout d’abord, au moyen des formes simples données, espace, temps et causalité, en perception objective d’un monde matériel réglé par des lois. Par suite, notre perception journalière, empirique, est une perception intellectuelle, et c’est à elle que convient cette qualification que les hâbleurs-philosophes en Allemagne ont attribuée a une prétendue intuition de mondes chimériques dans lesquels