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essai sur le libre arbitre

vent avec la même nécessité dans l’enchaînement causal, que lorsque des causes purement mécaniques, dans une liaison compliquée, agissent à l’encontre les unes des autres, et que le résultat calculé d’avance arrive immanquablement. Cette exception apparente aux lois de la causalité, résultant de l’invisibilité des causes, paraît se produire aussi bien dans le cas des petites balles de liège électrisées qui sautent dans toutes les directions sous la cloche de verre, que dans celui des mouvements humains : seulement, ce n’est pas à l’œil qu’il appartient de juger, mais à la raison.

Si l’on admet le libre arbitre, chaque action humaine est un miracle inexplicable, un effet sans cause. Et si l’on essaie de se représenter cette liberté d’indifférence, on se convaincra bientôt qu’en présence d’une telle notion la raison est absolument paralysée : les formes mêmes de l’entendement y répugnent. Car le principe de raison suffisante, le principe de la détermination universelle et de la dépendance mutuelle des phénomènes, est la forme la plus générale de notre entendement, laquelle, suivant la diversité des objets qu’il considère, revêt elle-même des aspects fort différents[1]. Mais ici il faut que nous nous figurions quelque chose qui détermine sans être déterminé, qui ne dépende de rien, mais dont

  1. Voyez la note de la page 53.