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essai sur le libre arbitre

4° Le caractère individuel est inné : il n’est pas une œuvre d’art[1], ni le produit de circonstances fortuites, mais l’ouvrage de la nature elle-même. Il se manifeste d’abord chez l’enfant, et montre dès lors en petit ce qu’il doit être en grand. C’est pourquoi deux enfants, soumis à une même éducation et à l’influence d’un même entourage, ne tardent pas cependant à révéler le plus clairement possible deux caractères essentiellement distincts : ce sont les mêmes qu’ils auront un jour étant vieillards. Dans ses traits généraux, le caractère est même héréditaire, mais du côté du père seulement, l’intelligence par contre venant de la mère : sur ce point, je renvoie au chapitre 45 de mon ouvrage capital[2] (Welt als Wille).

De cette explication de l’essence du caractère individuel, il résulte sans doute que les vertus et les vices sont choses innées. Cette vérité peut paraître choquante à plus d’un préjugé et à plus d’une philosophie de vieilles commères[3], jalouse de ménager les prétendus intérêts pratiques, c’est-à-

  1. Les Stoïciens anciens et modernes ont mille fois répété que l’homme est artifex vitœ, arlifex sut, « l’ouvrier de sa nature morale, et l’artisan de son bonheur ou de son malheur ici-bas. »
  2. Schopenhauer aimait à se citer lui-même comme un exemple à l’appui de cette théorie, du reste sans valeur. (V. Ribot, ouvr. cit., p. 11.)
  3. Rockenphilosophie, mot à mot, philosophie de quenouilles.