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essai sur le libre arbitre

corollaire ergo unde esse, inde operari, (d’où vient l’essence, de là vient aussi l’action.) Que dirait-on de l’horloger qui s’irriterait contre sa montre parce qu’elle marche mal ? Quelque désir que l’on éprouve de faire de la volonté une tabula rasa, on ne pourra cependant pas s’empocher d’avouer, que si, de deux hommes, l’un suit par hasard une façon d’agir entièrement opposée à celle de l’autre, au point de vue moral, cette différence, qui doit évidemment provenir de quelque chose, a sa raison d’être soit dans les circonstances extérieures, (auquel cas il est évident que la faute n’est pas imputable à l’homme), soit dans une différence originelle entre leurs volontés mêmes, et alors le mérite ou le démérite ne saurait leur être attribué, si tout leur être et toute leur substance sont l’œuvre d’autrui. Après que les grands hommes dont nous avons invoqué le témoignage se sont vainement efforcés de sortir de ce labyrinthe par quelque issue, j’avoue volontiers à mon tour que penser à la responsabilité morale de la volonté humaine sans admettre en principe l’aséité de l’homme, est une chose qui dépasse ma puissance de conception. C’est sans doute le sentiment de la même impossibilité qui a dicté à Spinoza les définitions 7 et 8 par lesquels débute son Éthique : « Une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa nature et n’est déterminée à agir que par soi-