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essai sur le libre arbitre

d’elle-même en mouvement, de même la libre volonté ne peut pas tirer de son propre fonds la moindre action ; et cela, en vertu du principe que rien ne se fait de rien. La balance doit-elle s’incliner d’un côté ? il faut qu’un corps étranger soit placé sur un des plateaux, et c’est ce corps qui sera ensuite la cause du mouvement. Pareillement toute action humaine doit être produite par quelque chose, qui agisse d’une façon positive, et soit quelque chose de plus que cette qualité toute négative de la liberté. Mais ceci ne peut s’expliquer que de deux manières : ou bien les motifs, c’est-à-dire les circonstances extérieures, produisent l’action par eux-mêmes : et alors il est évident que l’homme n’est pas responsable (il faudrait aussi, dans cette hypothèse, que tous les hommes agissent exactement de même dans les mêmes circonstances) ; ou bien l’action provient de la réceptivité (accessibilité) de l’homme pour tels ou tels motifs, c’est-à-dire du caractère inné, des tendances originellement existantes, qui peuvent différer d’individu à individu, et d’après lesquelles les motifs exercent leur action. Mais alors l’hypothèse du libre arbitre disparaît, parce que ces tendances représentent précisément le poids placé sur le plateau de la balance. La responsabilité de nos fautes retombe sur celui qui a mis en nous ces penchants, c’est-à-dire sur celui dont l’homme, avec