Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
essai sur le libre arbitre

Cependant, grâce à saint-Augustin et à la dispute entre les Manichéens et les Pélasgiens, la philosophie est enfin parvenue à se faire une idée nette et exacte de notre problème. Dès lors, les travaux de la scholastique lui donnèrent de jour en jour plus de précision : le sophisme de Buridan et le passage cité du Dante en sont des témoignages. — Mais le premier qui toucha au cœur même de la question est, à ce qu'il me semble, Thomas Hobbes, qui publia en 1656 un ouvrage spécial sur ce sujet, intitulé : Quœstiones de liberiate et necessitate, contrà Doctorem Branhallum : ce livre est rare aujourd’hui. Il se trouve transcrit en anglais dans les Œuvres morales et politiques de Th. Hobbes (1 vol. in-folio, Londres, 1750, p. 469, et sq). J’en extrais le passage capital que l'on va lire (p. 483) :

« (6) Rien ne tire son origine de soi-même, mais de l’action de quelque autre agent immédiat. Donc, lorsque pour la première fois l’appétit ou la volonté[1] d’un homme se porte vers quelque chose, pour laquelle il n’éprouvait précédemment ni appétit ni volonté ; la cause de ce mouvement de la volonté n’est pas la volonté même, mais quelque autre chose qui n’est pas en sa puissance. Donc, puisqu’il est hors de doute que la volonté est la

  1. Lisez le désir. La contusion du désir et de la volonté est perpétuelle chez Hobbes.