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mes prédécesseurs

vague, à proprement parler privée de sens, sous le couvert de laquelle leur platitude et leur lâcheté s’efforcent de se dissimuler. Le mot « esprit », expression à la vérité tropologique, désigne pour tout le monde l'ensemble des facultés intellectuelles, par opposition à la volonté. Or ces facultés ne doivent nullement être libres dans leur exercice, mais se conformer toujours aux lois de la logique et de plus rester subordonnées à l’objet particulier qu’elles conçoivent et en harmonie avec lui, de sorte que leur conception soit pure, c’est-à-dire objective, et qu'il n'y ait jamais lieu de dire : Stat pro ratione voluntas. En somme, cet « esprit » qui aujourd’hui s'étale partout dans la littérature allemande, est un compagnon des plus suspects auquel il faut toujours demander son passeport quand on le rencontre. Son métier le plus habituel est de servir de masque à la pauvreté intellectuelle associée à la lâcheté. D’ailleurs le mot esprit (geist) est, comme on sait, parent du mot gaz, qui lui-même, dérivé de l’arabe et introduit dans nos vocabulaires par l’alchimie, signifie vapeur ou air, de même que spiritus τνεῦμα, animus, est parent d’ἀνεμος, vent[1]

Tel est, dans le monde philosophique et dans le monde savant, l’état actuel des intelligences

  1. Quand on a lu des traits d’esprit de cette force on hésite à souscrire à l'affirmation de M. Ribot : « Si