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essai sur le libre arbitre

tendance morale de la vie. Tout dépend de ce qu’est un homme ; ce qu’il fait en découle naturellement, comme un corollaire d’un principe. Le sentiment intime de notre pouvoir personnel et de notre causalité qui accompagne incontestablement tous nos actes, malgré leur dépendance à l’égard des motifs, et en vertu duquel nos actions sont dites nôtres, — ne nous abuse donc pas : mais la portée véritable de cette conviction dépasse la sphère des actes et remonte, si l’on peut dire, plus haut, puisqu’elle se tend à note nature et à notre essence mêmes, d’où découlent nécessairement tous nos actes sous l’influence des motifs. Dans ce sens, on peut comparer ce sentiment de notre autonomie et de notre causalité personnelles, comme aussi celui de la responsabilité qui accompagne nos actions, à une aiguille qui, montrant un objet placé au loin, semblerait, aux yeux du vulgaire, indiquer un objet plus rapproché d’elle et situé dans la même direction.

En résumé, l’homme ne fait jamais que ce qu’il veut, et pourtant il agit toujours nécessairement. La raison en est qu’il est déjà ce qu’il veut : car de ce qu’il est découle naturellement tout ce qu’il fait. Si l’on considère ses actions objectivement, c’est-à-dire par le dehors, on reconnaît apodictiquement que, comme celles de tous les êtres de la nature, elles sont soumises à la loi de la causalité dans toute sa rigueur ; subjectivement, par contre, chacun sont