Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
essai sur le libre arbitre

l’absence d’obstacles physiques capables d’entraver les actes. C’est en ce sens que l’on dit : l’oiseau vole librement dans l’air, les bêtes sauvages errent libres dans les forêts, la nature a créé l’homme libre, l’homme libre seul est heureux. On dit aussi qu’un peuple est libre, lorsqu’il n’est gouverné que par des lois dont il est lui-même l’auteur : car alors il n’obéit jamais qu’à sa propre volonté. La liberté politique doit, par conséquent, être rattachée à la liberté physique.

Mais dès que nous détournons les yeux de cette liberté physique pour considérer la liberté sous ses deux autres formes, ce n’est plus avec une acception populaire du mot, mais avec un concept tout philosophique que nous avons à faire, et ce concept, comme on sait, ouvre la voie à de nombreuses difficultés. Il faut distinguer en effet, en dehors de la liberté physique, deux espèces de libertés tout à fait différentes, à savoir : la liberté intellectuelle et la liberté morale.

2o La liberté intellectuelle — ce qu’Aristote entend par τό ἑϰούσιον ϰαί ἀϰούσιον ϰατὰ διάνοιαν (le volontaire et le non-volontaire réfléchis) — n’est prise en considération ici qu’afin de présenter la liste complète des subdivisions de l’idée de la liberté : je me permets donc d’en rejeter l’examen jusqu’à la fin de ce travail, lorsque le lecteur sera familiarisé par ce qui précède avec les idées qu’elle