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essai sur le libre arbitre

aussi bien qu’un obstacle physique, rendre impossible une action conforme à sa volonté. La réponse à une pareille question ne pouvait pas offrir de difficulté au sens commun : il était clair que jamais un motif ne saurait agir comme une force physique, car tandis qu’une force physique, supposée assez grande, peut facilement surmonter d’une manière irrésistible la force corporelle de l’homme, un motif, au contraire, n’est jamais irrésistible en lui-même, et ne saurait être doué d’une force absolue[1]. On conçoit, en effet, qu’il soit toujours possible de le contrebalancer par un motif opposé plus fort, pourvu qu’un pareil motif soit disponible, et que l’individu en question puisse être déterminé par lui. Pour preuve, ne voyons-nous pas que le plus puissant de tous les motifs dans l’ordre naturel, l’amour inné de la vie, paraît dans certains cas inférieur à d’autres, comme cela a lieu dans le suicide, ainsi que dans les exemples de dévouements, de sacrifices, ou d’attachements inébranlables à des opinions, etc. ; — réciproquement, l’expérience nous apprend que les tortures les plus raffinées et les plus intenses ont parfois été surmontées par cette seule pensée, que la conservation de la vie était à ce prix. Mais quand même il serait démontré ainsi que les motifs ne

  1. Unhedingt, inconditionnée.