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essai sur le libre arbitre

faudrait en conséquence que le problème se posât comme il suit : « Peux-tu aussi vouloir ce que tu veux ? » — ce qui ferait présumer que toute volition dépendît encore d’une volition antécédente. Admettons que l’on répondit par l’affirmative à cette question : aussitôt il s’en présenterait une autre : « Peux tu aussi vouloir ce que tu veux vouloir ? » et l’on irait ainsi indéfiniment en remontant toujours la série des volitions, et en considérant chacune d’elles comme dépendante d’une volition antérieure et placée plus haut, sans jamais parvenir sur cette voie à une volition primitive, susceptible d’être considérée comme exempte de toute relation et de toute dépendance. Si, d’autre part, la nécessité de trouver un point fixe[1] nous faisait admettre une pareille volition, nous pourrions, avec autant de raison, choisir pour volition libre et inconditionnée la première de la série, que celle même dont il s’agit, ce qui ramènerait la question à cette autre fort simple : « Peux-tu vouloir ? » Suffit-il de répondre affirmativement pour trancher le problème du libre arbitre ? Mais c’est là précisément ce qui est en question, et ce qui reste indécis. Il est donc impossible d’établir une connexion directe entre le concept originel et empirique de la liberté,

  1. C’est l’ἀναιγϰη στῆναι. Kant et Schopenhauer ont considéré cette première volition libre comme extemporelle. — V. le dernier chapitre.