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essai sur le libre arbitre

des représentations non sensibles, au moyen desquelles il pense et réfléchit, domine un horizon infiniment plus étendu, qui embrasse les objets absents comme les objets présents, l’avenir comme le passé : il offre donc, pour ainsi dire, une surface beaucoup plus grande à l’action des motifs extérieurs, et peut, par conséquent, exercer son choix entre un nombre beaucoup plus considérable d’objets que l’animal, dont les regards sont bornés aux limites étroites du présent. En général, ce n’est pas ce qui est immédiatement présent dans l’espace et dans le temps à sa perception sensible, qui détermine ses actions : ce sont bien plus souvent de simples pensées, qu’il porte partout avec lui dans sa tête et qui peuvent le soustraire à l’action immédiate et fatale de la réalité présente[1]. Lorsqu’elles ne remplissent pas ce rôle, on dit que l’homme agit déraisonnablement : au contraire, on dit que sa conduite est raisonnable, lorsqu’il agit uniquement sous l’influence de pensées bien mûries, et par suite complètement indépendantes de l’impression des objets sensibles présents. Le fait même que l’homme est dirigé dans ses actes par une classe particulière de représentations que l’animal ne connaît pas (notions abstraites, pensées) se révèle jusque dans son existence intérieure ;

  1. Fatis avolea voluntas.