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Page:Schopenhauer - Essai sur les apparitions et opuscules divers, 1912.djvu/168

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opuscules divers

tions, l’esprit qui pense doit-il être la seule chose qui n’obtienne jamais le moindre égard ni protection, ni, à plus forte raison, respect ? Charretiers, portefaix, commissionnaires, etc., sont les bêtes de somme de la société humaine ; il faut les traiter avec humanité, justice, équité, égards, prévoyance ; mais il ne doit pas leur être permis de se mettre, par un vacarme méchamment voulu, en travers des efforts les plus hauts de la race humaine. Je serais curieux de savoir combien de grandes et belle pensées ces coups de fouet ont déjà tuées dans le monde. Si j’en avais le pouvoir, je voudrais faire naître dans la tête des charretiers un nexus idearum inséparable entre les coups de fouet et les coups de bâton.

Nous voulons espérer que les nations plus intelligentes et de sens plus délicats prendront en ceci aussi l’initiative, et que, entraînés par l’exemple, les Allemands suivront[1]. En attendant, Thomas Hood s’exprime ainsi à leur sujet : « For a musical people, they are the most noisy I ever met with » (Pour un peuple musical, ils sont le plus bruyant que j’aie jamais rencontré)[2]. Cela ne provient pas de ce qu’ils soient plus enclins au bruit que d’autres ; la cause en est l’apathie, résultant de la bêtise, de ceux qui doivent les entendre, et que cela ne trouble ni dans leurs pensées ni dans

  1. D’après une circulaire de la Société protectrice des animaux de Munich, en date du mois de décembre 1858, les coups de fouet inutiles sont interdits de la façon la plus sévère.
  2. Le célèbre poète humoristique anglais (1799-1845), qu’a immortalisé sa Chanson de la chemise (The Song of the Shirt), pièce où retentissait à travers l’Angleterre décimée par la famine, un cri de compassion qu’on entendra toujours. C’est dans le récit de son voyage en Allemagne, Up the Rhine, que se trouve l’appréciation soulignée par Schopenhauer.
    (Le trad.).