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i. de la connaissance

évidence immédiate, et c’est seulement dans le cas où celle-ci fait défaut, qu’il sied d’avancer provisoirement une preuve. Aucune science ne peut être entièrement démontrable, pas plus qu’un édifice ne peut se tenir dans l’air ; toutes les preuves doivent ramener à une donnée sensible, où, par conséquent, la démonstration s’arrête. Car le monde entier de la réflexion repose sur le monde sensible. Toute évidence dernière, ou, si l’on veut, originelle, est une évidence sensible ; le mot d’évidence, à lui seul, le dit déjà. Ce sera soit une évidence empirique, soit une évidence fondée sur la perception a priori des conditions mêmes de toute expérience. Dans les deux cas, elle fournit une connaissance qui ne peut être qu’immanente et jamais transcendante. Tout concept n’a de valeur et d’existence que par le rapport qu’il entretient — fût-ce même très indirectement — avec une représentation sensible. Ce qui vaut pour les concepts, vaut aussi pour les jugements formés de leur assemblage, et pour la science toute entière.

On entend, je le sais bien, parler avec emphase de sciences qui reposeraient tout entières sur des déductions justes tirées de sûres prémisses, et qui seraient par là-même irréfutablement vraies. Mais, en