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i. de la connaissance

tout corps inorganique est exactement aussi mystérieuse que la vie de l’être vivant. Partout, donc, l’explication physique vient de la même façon se heurter à un élément métaphysique qui la réduit à néant, c’est-à-dire en présence duquel elle cesse d’être une explication. Rigoureusement parlant, on pourrait affirmer que toute science de la nature ne fait au fond rien de plus que ce que fait la botanique : assembler le semblable, classer.

Une physique qui prétendrait que son explication des phénomènes — dans le détail par des causes et dans l’ensemble par des forces — est réellement suffisante et épuise ainsi l’essence du monde, représenterait le naturalisme pur. De Leucippe, de Démocrite et d’Epicure, jusqu’au Système de la nature, de là à Lamarck, à Cabanis et finalement aux doctrines réchauffées du récent matérialisme, on peut suivre les tentatives, incessamment renouvelées, qu’on a faites pour ériger une physique sans métaphysique, c’est-à-dire une théorie qui ferait du phénomène la « chose en soi ». Mais toutes les explications qu’apporte cette physique ne tendent en réalité qu’à empêcher leurs auteurs eux-mêmes de s’apercevoir que la chose essentielle s’y trouve tout simplement sous-entendue. On