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la pensée de schopenhauer

mouvement d’une boule déplacée par un choc, une explication physique, qui, en soi, nous rende l’un aussi compréhensible que l’autre. Mais, précisément, ce mouvement de la boule, que nous nous imaginons comprendre si complètement, n’est au fond pas moins obscur que le phénomène cérébral ; car ce qu’est l’essence même de l’expansion dans l’espace, de l’imperméabilité, de la mobilité, de la rigidité, de l’élasticité et de la pesanteur, demeure, après toutes les explications physiques, un mystère, aussi bien que la pensée. Seulement, comme c’est dans cette dernière que l’inexplicable est le plus immédiatement apparent, on fit à cet endroit un brusque saut du physique dans le métaphysique, et l’on postula l’existence d’une substance qui, par nature, différerait complètement de toute substance corporelle — autrement dit, on plaça dans le cerveau une âme. Mais alors, pour peu qu’on eût su considérer les phénomènes avec assez d’attention pour ne pas s’étonner seulement de celui qui est le plus visiblement énigmatique, on aurait dû aussi, logiquement, expliquer la digestion par la présence d’une âme dans l’estomac, la vie végétale par une âme de la plante, l’affinité chimique par une âme des réactifs, la chute d’une pierre, même, par une âme logée dans cette pierre. Car la propriété essentielle, la « qualité » de