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i. de la connaissance

physique, c’est-à-dire de la conviction que l’ordre de la nature n’est pas l’ordre unique et absolu des choses. Aussi le credo qui est nécessairement celui de tous les êtres bons et justes pourrait-il se formuler ainsi : « Je crois à une métaphysique. »

Par le haut degré de développement où sont parvenues aujourd’hui les sciences de la nature, notre siècle relègue dans l’ombre tous les siècles antérieurs ; l’humanité atteint pour la première fois un pareil sommet. Et cependant, aussi grands que puissent jamais être les progrès de la physique (ce terme pris au sens large que lui donnaient les Anciens), on n’aura pas fait par là le moindre pas vers la métaphysique ; pas plus qu’une surface, aussi loin qu’on la prolonge, ne deviendra jamais un cube. Car de pareils progrès ne feront jamais que compléter la connaissance du phénomène, tandis que la métaphysique, elle, vise à saisir, au delà de la manifestation, la chose qui se manifeste. Arrivât-on même à parachever totalement l’expérience, qu’il n’y aurait toujours rien de gagné quant à la chose essentielle ; fût-il même possible de parcourir toutes les planètes de toutes les étoiles fixes, qu’on n’en serait pas pour cela plus