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la pensée de schopenhauer

spécialement l’une sur l’autre, et cela de façon à se gêner réciproquement — au fait que le cerveau chôme à ce moment-là. Le cerveau, en effet, et avec lui la con- naissance, est seul à interrompre tout travail pendant le sommeil ; car il ne représente dans l’organisme que le ministère des affaires extérieures, comme le système ganglionnaire y représente le ministère de l’intérieur. Le cerveau, avec sa fonction, la connaissance, n’est rien de plus qu’une sentinelle, déléguée par le Vouloir au soin de ses intérêts du dehors et postée par lui dans l’observatoire élevé de la tête, d’où elle surveille les alentours par les fenêtres des sens, notant les points où quelque danger menace et ceux où il y a quelque profit à espérer ; c’est sur son rapport que le Vouloir prend ses décisions. Comme tout soldat quand il est de service, cette sentinelle est dans un état de tension et d’effort ; aussi est-elle heureuse, sa faction achevée, de rentrer au quartier ; comme toutes les gardes, elle aime à être relevée de son poste. C’est à quoi correspond pour l’organisme le fait de s’endormir, et c’est pourquoi s’endormir est si doux, pourquoi nous accueillons si volontiers le sommeil. S’il est en revanche si désagréable d’être réveillé en sursaut, c’est parce que la sentinelle est brusquement rappelée à son poste ; on sent alors po-