Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
ii. de la nature
L’intellect vu du dehors. Limites de l’intellect.

Entre les deux façons dont on peut envisager l’intellect, il y a un contraste frappant, que nous réalisons dans toute son acuité, si nous nous représentons que cela même que, d’un certain point de vue, nous pouvons directement saisir et observer sous forme de pensée réfléchie et de vivante perception, n’est, du point de vue opposé, rien de plus que la fonction physiologique d’un viscère, le cerveau ; si bien qu’on est en droit d’affirmer que tout le monde objectif, tel qu’il se présente dans l’espace illimité, dans l’infini du temps, dans l’immensité inscrutable de ses perfections, n’est en réalité qu’un certain mouvement ou une certaine affection de la matière gélatineuse enfermée dans la boîte crânienne. On se demande alors avec étonnement : qu’est-ce que ce cerveau, dont le fonctionnement est susceptible d’engendrer ce phénomène en quoi se résume tout ce qui a nom phénomène ? Qu’est-ce que la matière, qui peut se raffiner et s’intensifier, sous la forme de cette masse gélatineuse, au point que l’excitation de quelques-unes de ses particules fait d’elle le point unique où se réalise et d’où dépend l’existence d’un Univers objectif ? C’est pour avoir reculé devant de pareilles questions, qu’on fut amené à instituer le dogme d’une subs-