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la pensée de schopenhauer
Sur l’instinct de conservation dans le monde inorganique.

En considérant le Vouloir là où nul ne conteste son existence, c’est-à-dire chez les êtres connaissants, on constate qu’il trahit chez chacun de ces êtres une tendance fondamentale, qui est toujours l’instinct de conservation personnelle : omnis natura vult esse conservatrix sui. D’autre part, toutes les manifestations de cet instinct primordial se ramènent, selon leur cause occasionnelle, soit à une recherche, à une poursuite, soit au contraire à une fuite, à l’action d’éviter. Or on retrouve ce trait essentiel jusque dans les phénomènes inférieurs et les plus élémentaires de la nature, là où les corps n’agissent que selon leur qualité générale de corps et où il n’y a à considérer chez eux que les propriétés qui font l’objet de la mécanique : imperméabilité, cohésion, rigidité, élasticité, pesanteur. Là aussi on a le spectacle d’une poursuite, et cela dans l’attraction et la gravitation, ou d’une fuite, et cela dans la faculté qu’ont les corps de recevoir le mouvement ; de sorte que leur mobilité, déterminée par la pression ou par le choc, est au fond l’expression du besoin qui leur est inhérent, à eux aussi, de travailler à leur conservation. Les corps étant comme tels imperméables, cette mobilité leur offre en effet, dans chaque