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la pensée de schopenhauer

son Vouloir. C’est là ce qui rend les physionomies des végétaux si intéressantes. Pour l’animal, si l’on veut le connaître réellement selon l’Idée qu’il incarne, il faut déjà considérer ses actions et sa manière de vivre, et quant à l’homme, qui tient de sa raison une très grande faculté de dissimulation, il exige des observations et des expériences approfondies. L’animal est plus naïf que l’homme dans la mesure où la plante est plus naïve que l’animal. Chez ce dernier nous apercevons le Vouloir-vivre en quelque sorte plus à nu que chez l’homme, où il est si bien recouvert par l’appareil des fonctions intellectuelles et, en outre, si apte à s’envelopper d’apparences trompeuses, qu’on peut presque dire que sa véritable nature ne se fait voir que fortuitement et seulement par endroits. Chez les plantes, ce Vouloir-vivre se montre tout nu, mais aussi sous une forme beaucoup moins accentuée, comme pure tendance à l’être, tout inconsciente, sans but ni objet. Sa nature se révèle tout entière au premier regard avec une parfaite innocence, qui ne perd rien au fait que la plante expose ses organes génitaux au grand jour, à son point culminant, alors que ces mêmes organes occupent chez tous les animaux l’endroit du corps le plus caché. Cette innocence de la plante tient à