Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/19

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introduction

formuler une connaissance, doit posséder en dehors de lui une « raison suffisante », qui seule permet de l’appeler vrai. C’est le principe de raison de la connaissance, qui définit le domaine de la logique, en tant que science, de la pensée même. Il est le fondement de ce que nous appelons vérité ; vérité matérielle, logique, transcendantale ou métalogique, selon qu’elle repose sur les objets ou sur les formes mêmes de la perception ou de la pensée. — La troisième catégorie enferme la portion purement subjective et formelle de nos représentations sensibles, c’est-à-dire les formes, connues de nous a priori, de la « perception pure », à savoir l’espace et le temps pris en eux-mêmes. Ici — où Schopenhauer l’appelle principe de raison suffisante de l’être — le principe de raison signifie que toutes les parties, soit de l’espace, soit du temps, se conditionnent les unes les autres selon un rapport fixe et nécessaire, qui pour le premier s’appelle position, pour le second succession, et qui est l’objet des sciences a priori, géométrie et arithmétique. — Enfin, il y a une dernière donnée, qui forme à elle seule, selon Schopenhauer, la quatrième catégorie de nos représentations. C’est ce qu’il appelle le « sujet du Vouloir », « objet immédiat » du sujet connaissant, lequel nous est donné intérieurement et directement, et pour cela même dans le temps seul, sans l’aide de l’espace. Par rapport à cet objet spécial, notre Vouloir, le principe de raison — qui s’appelle ici principe de raison suffisante de l’action — apparaît sous la forme de la « loi des motifs ». Sans doute, vus du dehors, les motifs sont des causes comme les autres, et dès lors nos actes, qu’ils déterminent, rentrent dans les représentations de la première catégorie, les phénomènes du monde sensible. Mais l’action de ces motifs, en même temps que perçue du dehors, l’est aussi de l’intérieur et de façon absolument immédiate. Par là elle nous livre la nature intime de tout rapport de cause à effet. C’est la causalité vue du dedans.

Ces très sommaires indications sur le principe de raison suffiront peut-être. On voit ce qu’il nous importe d’en retenir : ce principe, qui ramène à une