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iii. de l’art

à un but que pour être toujours à nouveau renvoyée à un autre but, et qu’il ne lui est pas plus possible de jamais connaître un but dernier et une satisfaction totale qu’il ne nous est possible d’atteindre à la course le point où les nuages rejoignent l’horizon, l’art, lui, est partout à son but. Car il arrache au flux du torrent universel l’objet de sa contemplation pour le tenir isolé devant lui, et cette chose isolée, qui ne représentait dans le fleuve des phénomènes qu’une particule imperceptible, devient pour lui le représentant du tout, l’équivalent de ce qui est dans le temps et dans l’espace multiplicité infinie. L’art se fixe à cette unité, il arrête la roue du temps, il fait disparaître les relations ; l’essence, l’Idée est son seul objet.

Nous pouvons donc définir l’art comme le mode de connaissance qui considère les choses indépendamment du principe de raison, par opposition à celui qui se règle sur ce principe et qui est celui de l’expérience et de la science. Ce dernier est comparable à une ligne horizontale fuyant à l’infini, l’autre à la verticale qui la coupe en un point quelconque. Considérer les choses selon le principe de raison, c’est la