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la pensée de schopenhauer

retenant par l’obligation d’un détour, qui prolonge le combat et qui rend visible en de multiples aspects l’inépuisable poussée des deux forces adverses. La masse entière de l’édifice, si elle était abandonnée à son inclination originelle, ne formerait qu’un simple tas, adhérent aussi étroitement que possible à la terre, vers laquelle la pesanteur, forme que revêt ici le Vouloir, la pousse inlassablement, tandis que la rigidité, autre manifestation du Vouloir, résiste. Mais précisément l’architecture entrave ce penchant, cette tendance, en lui refusant sa satisfaction immédiate, et ne lui accorde qu’une satisfaction indirecte, amenée par des détours. Ainsi l’architrave ne peut peser sur le sol que par l’intermédiaire de la colonne ; la voûte est contrainte de se porter elle-même, et ne peut s’abandonner que par l’entremise des piliers à la poussée qui l’entraîne vers le sol. Mais c’est justement par ces détours forcés, grâce à ces entraves, que peuvent se déployer de la façon la plus visible et la plus diverse les forces inhérentes à la masse brute de la pierre ; et c’est à cela que se borne d’ailleurs la fonction purement esthétique de l’architecture. Aussi la beauté d’un édifice gît-elle Sans contredit dans l’adaptation immédiatement