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la pensée de schopenhauer

subalterne, la chose principale, pour réduire la musique à n’être que son moyen d’expression. Car partout la musique n’exprime que la quintessence de la vie et de ses circonstances, et non pas ces circonstances elles-mêmes, dont la diversité ne saurait donc influer sur elle. De cette généralité jointe à la plus stricte précision, qui est son privilège exclusif, la musique tire précisément cette vertu unique, qui fait d’elle la panacée de toutes nos douleurs.

En définitive, nous pouvons considérer la nature ou le monde visible d’une part, et la musique de l’autre, comme deux expressions différentes d’une seule et même chose, laquelle est ainsi l’unique fondement de leur analogie, et qu’il est par conséquent nécessaire de connaître pour apercevoir cette analogie. Considérée comme une expression du monde, la musique est donc un langage général au plus haut degré, si bien qu’elle est à l’égard des concepts généraux à peu près dans le même rapport que ceux-ci à l’égard des choses particulières. Mais sa généralité n’est nullement cette généralité vide qui est celle de l’abstraction ; elle est de toute autre sorte, et inséparable d’un caractère de détermination toujours nettement