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la pensée de schopenhauer

C’est précisément parce que l’individu procréateur se reconnaît lui-même dans l’individu procréé qu’il y à un amour paternel, qui veut que le père soit prêt à se dépenser, à oser, à souffrir pour son enfant plus que pour lui-même et qu’il considère cela comme une obligation.

Ces vues ont trouvé leur expression mythique dans le dogme chrétien selon lequel nous sommes tous participants du péché d’Adam — qui n’est autre, évidemment, que la satisfaction de l’instinct sexuel — et condamnés de ce fait à la souffrance et à la mort. Le christianisme dépasse ici le point de vue du principe de raison et discerne, par delà ses formes, l’Idée même de l’homme ; cette Idée, que nous percevons décomposée en individus innombrables, il en retrouve l’unité dans le lien universel de la génération, qui rattache tous les êtres les uns aux autres. Ainsi, d’une part, chaque individu est conçu ici comme identique à Adam — le représentant de l’affirmation du Vouloir-vivre — et comme voué par là-même au péché (péché originel), à la souffrance et à la mort ; et d’autre part, en vertu de cette même unité de l’Idée humaine, chaque individu apparaît aussi com-