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la pensée de schopenhauer

me également — apporte à tout ce qui le concerne, nous montre que par la fonction correspondante à ce besoin l’animal se trouve directement rattaché à la racine même de son être, à savoir à l’espèce, tandis que toutes les autres fonctions, avec leurs organes respectifs, ne servent directement qu’à l’individu, dont l’existence n’est au fond que secondaire. D’autre part, cette même violence d’un instinct, qui est la concentration de tout l’être animal, semble aussi traduire le sentiment que l’individu ne survit pas à la mort et qu’il lui faut par conséquent se donner tout entier à la conservation de l’espèce, où gît sa véritable existence.

Représentons-nous un animal dans le rut de l’accouplement. Nous le voyons faire preuve d’une ardeur et d’une gravité inaccoutumées. Que se passe-t-il en lui ? Sait-il qu’il doit mourir ? Sait-il que de l’acte qu’il est en train d’accomplir doit sortir un autre individu, en tous points semblable à lui-même, qui viendra prendre sa place ? De tout cela il ne sait rien, puisqu’il ne pense pas. Mais il n’en travaille pas moins à la survivance de son espèce dans le temps avec autant de zèle que s’il le savait. Car il