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iv. de la vie et de la mort

que notre monde soit partout le théâtre des intrigues de l’amour ou qu’on y puisse toujours présumer à coup sûr l’intervention de l’amour en toutes circonstances, il n’y a rien là qui ne soit parfaitement proportionné à l’importance réelle de ce punctum saliens de l’« œuf du monde ». Le seul côté plaisant de cette affaire si essentielle est qu’il en faille faire perpétuellement mystère.

Etant donné le rôle et la signification de l’acte sexuel, les organes génitaux représentent ce qu’on peut appeler proprement le foyer du Vouloir ; pôle de l’organisme, ils y forment ainsi l’antipode du cerveau, lequel incarne la connaissance, l’autre face de l’Univers, le monde de la représentation. Ils sont le principe conservateur de la vie, celui qui assure au temps la vie infinie. C’est ce principe que les Grecs vénéraient dans le phallus, les Indous dans le lingam, symboles de l’affirmation du Vouloir-vivre. De la connaissance, au contraire, représentée par le cerveau, dépend la possibilité de supprimer le Vouloir-vivre, d’arriver à la rédemption par la liberté, à la victoire sur le monde et à son anéantissement.

La violence de l’instinct sexuel, l’ardeur particulière et le sérieux profond que l’animal — et l’hom-