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la pensée de schopenhauer

viduel, tout en poursuivant des fins purement générales (ce mot pris exactement dans son sens propre et étymologique). C’est chez les animaux, c’est-à-dire là où son rôle est le plus important, que nous pouvons le mieux observer les manifestations extérieures de l’instinct ; mais quant à son fonctionnement interne, comme tout ce qui est intérieur, nous ne pouvons l’observer qu’en nous-mêmes. On s’imagine volontiers, il est vrai, que l’homme est presque complètement dépourvu d’instinct, et qu’il possède tout au plus celui qui permet au nouveau-né de chercher et de saisir le sein de sa mère. Mais, en réalité, nous avons un instinct très déterminé, très affirmé, et même très compliqué ; c’est celui qui préside au choix si subtil, si sérieusement pesé, si exclusivement personnel que l’individu fait d’un autre individu pour sa satis- faction sexuelle. Or, prise en elle-même, c’est-à-dire en tant que jouissance sensuelle répondant à un besoin pressant, cette satisfaction n’a rien à voir avec la beauté ou la laideur de l’objet aimé. Si donc l’homme attache néanmoins tant d’importance à la beauté, s’il la recherche avec tant d’ardeur et s’il règle avec tant de soin son choix en conséquence, c’est évidemment que cette préoccupation ne se rapporte pas à l’individu même qui choisit ainsi, malgré qu’il se