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iv. de la vie et de la mort

l’amant si haut au-dessus de toutes les contingences terrestres, qui l’élève souvent au-dessus de lui-même, et qui revêt d’un caractère hyperphysique ses désirs très physiques ; si bien que, même pour l’homme le plus prosaïque, l’amour représente toujours dans la vie un épisode poétique.


Sur la souffrance et le néant de la vie.

Nous avons déjà vu dans la nature inconsciente l’essence intime de cette nature s’affirmer comme un effort, comme une poussée incessante, qui ne connaît ni aboutissement ni trêve ; ce caractère essentiel apparaît bien plus distinctement encore chez l’animal et chez l’homme. Vouloir, désirer perpétuellement, comme dans une soif inextinguible, c’est là tout leur être. Or tout Vouloir a sa source dans un besoin, dans une privation, donc dans la souffrance ; ainsi, par son origine et par sa nature même, l’homme est déjà voué à la douleur. Et si, d’autre part, il arrive qu’il n’ait plus d’objet à assigner à son Vouloir, du fait qu’à chaque fois une satisfaction trop facile vient immédiatement le lui dérober à nouveau, un terrible sentiment de vide, l’ennui, s’empare de lui ; c’est-à-dire que son existence et son être mêmes lui