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la pensée de schopenhauer

deviennent un fardeau insupportable. La vie de l’homme oscille ainsi, comme un pendule, entre la douleur et l’ennui, qui sont bien réellement les deux éléments ultimes auxquels on peut ramener sa destinée. Sans doute est-ce là une vérité qui s’impose, puisqu’on en retrouve l’expression jusque dans ce fait curieux, qu’après avoir placé dans l’enfer toutes les souffrances et tous les tourments, l’homme n’a plus rien trouvé d’autre à mettre dans le ciel, sinon précisément l’ennui.

Nous ressentons la douleur, mais non pas l’absence de douleur, les soucis, mais non pas l’insouciance, la crainte, mais non pas la sécurité. Un vœu que nous formons est un sentiment que nous éprouvons comme nous éprouvons la faim ou la soif ; mais sitôt qu’il est réalisé, il en va de lui comme de la bouchée de nourriture qui cesse d’exister pour nous en tant que sensation dès l’instant où nous l’avalons. Nous ressentons douloureusement l’absence du bonheur et de la jouissance dès qu’ils viennent à nous manquer ; mais nous ne remarquons pas l’absence de la douleur, même si elle succède à une longue période de souffrance ; tout au plus pouvons-nous nous appliquer volontairement à y réfléchir. Seules, en effet,