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iv. de la vie et de la mort

même et pour son propre avantage. Ceci concorde avec la nature même du monde, telle qu’elle nous est apparue : ce n’est en effet qu’un Vouloir aveugle, et non point un Vouloir conscient, qui pouvait se placer lui-même dans la situation où nous nous trouvons sur cette terre. Un Vouloir clairvoyant aurait vite eu fait de calculer que l’affaire ne couvrait pas ses frais. On comprend ainsi que la tentative d’expliquer l’Univers par un νους, à la façon d’Anaxagore, c’est-à-dire par une volonté obéissant à la connaissance, exige nécessairement comme correctif un système d’optimisme, qu’on est dès lors contraint d’édifier et de soutenir au mépris des témoignages les plus irrécusables de tout un monde de criante misère.

L’existence humaine, loin d’avoir le caractère d’un présent dont nous serions gratifiés, a bien plutôt celui d’une dette que nous avons contractée. Le remboursement de cette dette s’opère sous la forme des mille besoins pressants, des désirs torturants et des misères sans fin que nous impose cette existence. Nous consacrons en général tout le temps de notre vie à l’extinction de cette dette, et pourtant nous n’arrivons ainsi à en payer que les intérêts. Le remboursement du capital s’opère par la mort. Et quand