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la pensée de schopenhauer

existence est le plus heureuse que nous la réalisons le moins ; d’où il suit qu’il vaudrait mieux ne pas la posséder.

Si le monde n’était pas quelque chose qui, pratiquement parlant, devrait ne pas être, il ne serait pas non plus, du point de vue théorique, un problème. Au contraire, ou bien son existence se passerait de toute explication, elle irait si bien de soi qu’aucun étonnement ne se manifesterait, qu’aucune question ne se poserait à son sujet dans aucun cerveau ; ou bien son but apparaîtrait avec évidence à tous les yeux. Loin qu’il en soit ainsi, le monde se présente bien plutôt comme un inextricable problème, puisque la philosophie la plus parfaite enfermera toujours un élément inexpliqué, tel un résidu insoluble, tel aussi le reste qu’on retrouve toujours en divisant l’une par l’autre deux grandeurs incommensurables entre elles. Le fait seul qu’on a pu se poser cette question : pourquoi pas « rien du tout », plutôt que ce monde-ci ? implique que le monde ne se justifie pas par lui-même, qu’on ne peut lui trouver en lui-même aucune raison, aucune cause finale de son existence, qu’on ne peut démontrer qu’il existe en vue de lui--