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iv. de la vie et de la mort

Le monde n’est précisément rien d’autre que l’enfer ; les hommes s’y partagent en âmes tourmentées et en diables tourmenteurs.

Il faut considérer la vie uniquement comme une sévère leçon qui nous est infligée, malgré que nos formes intellectuelles, organisées pour de toutes autres fins, ne nous permettent pas de comprendre comment il se fait que nous en ayons besoin. Nous devons donc songer avec satisfaction à nos amis défunts, en considérant qu’ils en ont fini avec leur leçon, et souhaiter cordialement qu’elle leur ait profité. De ce même point de vue, il nous faut envisager notre propre mort comme un événement désirable et réjouissant, au lieu de la regarder venir, comme c’est ordinairement le cas, en tremblant d’effroi.

Une vie heureuse est impossible ; le plus haut point auquel l’homme puisse atteindre, c’est une vie héroïque. J’appelle ainsi la vie de celui qui dans n’importe quel domaine lutte, sans reculer devant les pires difficultés, pour ce qui représente en quelque façon le bien de tous, et qui finit par triompher, d’ailleurs mal ou nullement récompensé lui-même de son effort. Sa tâche terminée, cet homme — tel le