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la pensée de schopenhauer

suffisantes et qu’il faut l’attribuer à une raison plus profonde, qui est celle que j’ai dite.

Tout cela n’empêche pas que dans chaque cas particulier où la mort réelle, ou même seulement réalisée par l’imagination, s’approche de l’individu, et où celui-ci est obligé de la regarder face à face, il ne soit saisi d’une indicible angoisse et ne cherche par tous les moyens à y échapper. De même, en effet, que cet individu, tant que sa faculté de connaître était concentrée sur la vie comme telle, devait en apercevoir aussi la nature impérissable ; de même, quand la mort apparaît, il faut aussi qu’il la reconnaisse pour ce qu’elle est : la fin dans le temps d’un phénomène particulier et temporel. Ce que nous craignons dans la mort, ce n’est nullement la douleur ; car, d’une part, la douleur gît manifestement en deçà de la mort, et, d’autre part, on voit souvent l’homme recourir à la mort pour fuir la douleur ; comme aussi, inversément, il lui arrive d’accepter les pires souffrances pour se soustraire à la mort un instant de plus, lors même que cette mort serait rapide et douce. Nous distinguons donc la douleur et la mort comme deux maux complètement différents. En fait, ce que nous craignons dans la mort,