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iv. de la vie et de la mort

c’est la fin de l’individu, et la mort se donne ouvertement pour telle ; aussi, comme l’individu est le Vouloir-vivre lui-même, dans une de ses objectivations particulières, tout son être se cabre contre la mort.

Si c’était simplement l’idée de ne pas être qui nous rendait la mort si effrayante, nous devrions songer avec le même frisson d’effroi au temps où nous n’étions pas encore. Car il est absolument certain que le non-être après la mort ne peut pas être différent du non-être avant la naissance, ni, par conséquent, plus déplorable. Une durée infinie de temps s’est écoulée alors que nous n’étions pas encore, et nous n’en sommes nullement affectés ; mais qu’au court intermède d’une existence éphémère un second temps infini doive succéder où nous ne serons plus, cette perspective nous est dure, plus que cela, intolérable.

En fait, la crainte de la mort est indépendante de toute intervention de la connaissance ; car l’animal a peur de la mort sans la connaître. Tout ce qui naît apporte cette crainte avec soi dans le monde. Or cette peur a priori de la mort n’est précisément que l’envers du Vouloir-vivre, et nous ne sommes tous que Vou-