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iv. de la vie et de la mort

affranchis de l’exclusivisme d’une individualité qui ne constitue pas la substance intime de notre être, mais qui en représente bien plutôt une sorte d’aberration. La liberté originelle, la liberté véritable, réapparaît à ce moment, dont on peut dire qu’il est une restitutio in integrum. Là est peut-être la source de cette paix et de cette sérénité qu’on voit d’habitude aux visages des morts. Tranquille et douce, telle est dans la règle la mort de l’homme bon ; mais mourir de plein gré, mourir volontiers, mourir avec joie, c’est le privilège de celui qui a atteint la résignation, de celui qui a renoncé et nié le Vouloir-vivre. Car lui seul veut réellement mourir et ne le veut pas seulement en apparence ; aussi ne lui faut-il et ne souhaite-t-il aucune survivance de sa personne. Cette existence que nous connaissons, il en fait l’abandon de son plein gré ; cela qu’il reçoit en échange est à nos yeux le néant, parce que c’est notre existence qui est le néant en regard de ce « quelque chose » d’autre, que la foi bouddhique appelle Nirwana, c’est-à-dire extinction.