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v. morale et religion

la déclarer bonne. Si l’on veut bien, en effet, se reporter à l’idée essentielle qui fait le fond de ma philosophie, on reconnaîtra que dans tout ceci on a complètement interverti le rôle des facteurs et présenté les choses au rebours de la vérité. En fait c’est le Vouloir qui est l’élément premier et originel, et c’est la connaissance qui vient seulement s’y surajouter, en tant que manifestation et simple instrument de ce Vouloir. Tout homme, dès lors, est ce qu’il est de par son Vouloir, et son caractère est un fait primordial, parce que vouloir est la base de son être. L’intervention accessoire de la connaissance le renseigne ensuite, au cours d’expériences successives, sur ce qu’il est, c’est-à-dire qu’il apprend à connaître son caractère. Il se connaît donc par suite et en raison de la nature de son Vouloir, tandis que l’ancienne conception prétend qu’il veut par suite et en raison de sa faculté de connaître. Selon cette conception, il suffirait que l’homme décidât, après délibération, ce qu’il veut être de préférence, pour qu’il le fût en effet : c’est ce qu’elle appelle le libre arbitre. Ce libre arbitre signifierait donc que l’homme est sa propre œuvre, élaborée à la lumière de la connaissance. Je dis, moi, qu’il est sa propre œuvre antérieurement à toute connaissance, et que celle-ci intervient seu-